Rachid : le p’tit Beur

Publié le par Ephedra

Il a fait swinguer l’année 1987 en jean bleached et polo rose. Alors âgé de 15 ans, sa chanson « Le p’tit Beur », a fait le tour des hits parades, des stations FM et des plateaux télé. Dedans, Rachid y dénonçait certains préjugés - on parlerait aujourd’hui de discriminations - liés à ses origines.

 

« J’voudrais bien m’appeler Jonathan, que mon nom sonne comme un nom d’oiseau

Si dans mon cœur les fleurs se fanent, c'est parce que l'bon dieu a tout faux

 

J'voudrais avoir les yeux plus clairs, et les cheveux un peu moins noirs

Seulement moi j'ressemble à mon père, et ça, ça m'plait, c'est mon histoire

 

J'suis un p'tit Beur, mais sois tranquille, j'viendrai pas voler ton argent

Rappelle tes chiens, ouvre tes grilles, tu vois bien que j'suis qu'un enfant

J'suis un p'tit Beur, comme disent les autres, ça veut pas dire qu'suis un voyou

Faut pas croire qu'c'est toujours d'ma faute quand quelque part y a un sale coup

 

J'voudrais qu'on m'dessine un mouton, être ami avec un renard

Laisse-moi monter dans ton avion, chez moi ça r'ssemble à un placard

 

C'est vrai que j'suis jamais allé dans ces pays pleins de lumières

Où y'a partout des orangers, où il fait chaud même en hiver

 

J'suis un p'tit Beur, mais sois tranquille, j'viendrai pas voler ton argent

Rappelle tes chiens, ouvre tes grilles, même si tu crois que j'ai ça dans l'sang

 

J'suis un p'tit Beur, comme disent les autres, j'ai pas choisi le bon soleil

Même si tu sais que c'est pas d'ma faute, tu fermes tes yeux et tes oreilles

 

Faudrait p't’être que j'rentre chez moi, mais manque de bol j'suis né ici

Entre Clichy et Levallois, y’a pleins de p'tits Beurs qui s'ennuient

 

J'suis un p'tit Beur, mais sois tranquille

J'suis un p'tit Beur, comme disent les autres

Rappelle tes chiens, ouvre tes grilles, tu vois bien que j'suis qu'un enfant

 

J'suis un p'tit Beur, mais sois tranquille, j'viendrai pas voler ton argent

Rappelle tes chiens, ouvre tes grilles, tu vois bien que j'suis qu'un enfant

 

J'suis un p'tit Beur, comme disent les autres,

Ça veut pas dire qu'suis un voyou »

 

Des paroles qui disaient déjà quelque chose d’un certain rapport à l’immigration, et à cette génération de jeunes nés sur le sol français, qui n’avaient même parfois jamais mis les pieds dans le pays de leurs parents.

 

Cette chanson, je l’ai fredonnée un paquet de fois, sans finalement vraiment bien la comprendre. Je me souviens même avoir demandé à ma mère ce que c’était qu’un « p’tit Beur », avec la vague intuition qu’il n’était pas ici question des biscuits homophones... Et on était un bon nombre de filles, dans la cour de mon petit collège de campagne, à le trouver bien joli, ce petit Rachid... Tout cela sans percevoir une seconde le racisme dénoncé par la chanson. Pour la simple et bonne raison, que ce racisme, à 13 ou 14 ans, dans notre petit bled à nous du bocage, nous n’étions même pas en capacité de le concevoir...

 

Pourquoi grandissons-nous dans un éloignement croissant à ce qui nous est autre ? Pourquoi, alors que la culture et l’éducation devraient nous apporter chaque jour des éléments de compréhension supplémentaires de l’univers, ne nous socialisent-elles en réalité que toujours davantage dans notre espèce, notre classe sociale, notre appartenance religieuse, politique ou autre, restreignant ainsi sans cesse la capacité d’ouverture presque infinie que l’on a, lorsque l’on est petit ?

 

Et cette chanson de résonner aujourd’hui bien différemment dans ma tête... Je me questionne sur ces années 1980, où un enfant de 15 ans, même sous couvert de musique, a pu se retrouver en position de « justifier », à travers une chanson, le fait que parce qu’il était d’origine arabe, il n’était pas « mauvais »... :-(

 

 

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